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11 Sep

Premiers pas dans la rentrée littéraire

Publié par Eloah  - Catégories :  #Au fil de nos lectures

Premiers pas hésitants cette année, qui finalement m'ont menée vers deux livres troublants.

 

J'ai choisi mon premier roman de cette rentrée pour son titre, terriblement émouvant quand on connaît le sujet, un titre qui sonne à la fois comme une promesse mais aussi comme un couperet : So long, Luise sont les derniers mots que la narratrice, l'amoureuse de Luise, lui adresse au seuil de sa mort. C'est donc un "so long" qui sera sans retour. Seule dans une chambre d'hôtel, la narratrice rédige une longue lettre testamentaire qui est avant tout une longue lettre d'amour. La narratrice, écrivain célèbre, retrace sa vie, ses rencontres, ses pensées et lègue tout cela à Luise, confusément. Comme lorsqu'on se trouve seul avec un couple, le lecteur se sent parfois un peu en dehors du récit, ne comprenant pas tout, égaré voire ignoré par la narratrice et sa destinatrice, on se sent parfois aussi un peu comme un voyeur qui observerait en cachette. C'est déroutant, souvent, ça peut être agaçant parfois quand on est perdu au milieu des mots, mais c'est toujours exaltant, forcément, de s'immiscer dans l'intimité des autres. La narratrice dresse d'elle un portrait étonnant et elle égratigne au passage le microcosme littéraire puisqu'auteur français, elle a été réfusée par plusieurs maisons d'édition avant de devenir célèbre aux Etas-Unis, puis re-traduite ... en français, triste ironie du sort.

So long, Luise est un livre dans lequel on se perd mais qu'on ne lâche pas. C'est écrit dans une langue souvent hargneuse qui devient soudain tendre dès que la narratrice évoque Luise. C'est un mélange de styles qui ne laisse jamais le lecteur en paix. C'est une langue qu'on a envie de lire à voix haute, pour l'entendre. So long, Luise un livre (d)étonnant.

 

Quelques mots de la narratrice sur la création littéraire :

"C'est dans cette barque sans ancre que j'ai écrit, instable et glissante, ce que j'appelais mon roman japonais, mon roman d'île flottante. Ce monde, qui s'est développé comme une bulle du fond de l'étang et qui a éclos sur mon plancher lent, a été traduit et lu au Japon comme une graine de yôkaï poussée à l'Occident. Ce qui m'a consolée d'avoir dû en finir, à son tour, avec ce paquet de mots. On ne sait pas généralement combien il est troublant de clore un livre. De fermer la porte d'une maison aimée dont on a refait la toiture tout l'été, dans laquelle on a vécu jour et nuit et que l'on quitte, soulagé et fourbu, séparé mais pas encore dépris. Ce sentiment complexe, cette fatigue répétée, délicieuse et triste comme le travail accompli, me servira bientôt. Alors, de l'avoir déjà vécu tant de fois, ce rendu, ce don à rebours des dernières feuilles habitées, l'exil me sera plus poignant et plus léger."

 

dialogues-croises.jpg   Merci à la la librairie Dialogue de me l'avoir fait découvrir !

 

Céline Minard, So long, Luise, Denoël, 2011

 

livres-copie-1.jpg

 

On ne sait pas bien qui dresse le portrait, à la deuxième personne, de ce "jeune homme en chien de fusil", mais c'est un portrait comme tracé au scalpel, abrupt et poétique. Un jeune garçon erre dans Paris, de jour comme de nuit, qui semble ne jamais pouvoir vraiment s'arrêter de marcher, en même temps qu'il erre entre son passé et le présent qui le happe, presque malgré lui. On le suit dans les rues, on vit des rencontres et des amours de hasard avec lui, mais il nous reste tout de même comme étranger, autre. Portrait d'un jeune homme en chien de fusil est un tout petit roman, moins de 100 pages, on le lit comme on écouterait un morceau de musique, sans vraiment respirer, en se laissant bercer par les mots. Le style est doux, poétique, mais les mots sont rudes, voire violents, ce qu'accentue le "tu" omniprésent et péremptoire, à la fois intimiste et troublant.

 

"Dans la très courte journée, ils n'en pouvaient plus de se faufiler, se pousser, se cogner, par les rues grouillantes de cadavres éblouis. La nuit, c'était fait pour dormir, il fallait bien oublier l'érosion des soucis, l'ennui du quotidien. Patiemment, la tête enfouie sous l'oreiller, ils attendaient le lendemain. Toi, tu ne l'attendais pas, tu ne pouvais pas, tu ne savais pas attendre."

 

Sylvie Sarhami, Portrait d'un jeune homme en chien de fusil, Editions Léo Scheer, 2011

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E
<br /> @ Maazz : oui, oui, je connais, mais j'avoue ne pas être assez fidèle ...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Je viens de m'inscrire sur un site sur lequel tu rentres les livres de ta bibliothèque ou que tu a lus, c'est absolument génial : plein d'idées de lecture, des critiques et des échanges. C'est<br /> babelio, je ne sais pas si tu connais. Je viens de finir l'enregistrement de mes poches...425 livres rentrés par code ISBN ou par titre. c'est facile et rapide d'utilisation, je te le recommande.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> @ Couette : c'est un livre vraiment particulier ... Je te l'envoie, si tu veux !<br /> <br /> <br />
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C
<br /> il y a un petit moment que So long, Luise, me fait de l'oeil... Et je pense ne pas y résister longtemps, surtout à la lecture de ton billet....<br /> <br /> <br />
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